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Repenser la façon de travailler pour mieux exploiter l’impression 3D

EURO ENGINEERING

par Equip'Prod

Vincent Punelle, directeur général depuis trois ans d’Euro Engineering (filiale du groupe Adecco), nous donne son avis sur la place de l’impression 3D dans l’industrie française. Selon lui, l’impression 3D doit désormais être davantage considérée comme un moyen de conception et de production à part entière qui ne manquera pas de bouleverser certaines professions, à commencer par le métier d’ingénieur.

Vincent Punelle

Vincent Punelle

Equip’Prod 

Que représente l’impression 3D dans votre métier ?

Vincent Punelle

En tant que marque du pôle « consulting » du groupe Adecco, nous intervenons sur des projets technologiques innovants à haute valeur ajoutée principalement chez des grands comptes de nos deux secteurs historiques : l’énergie et le transport. Dans notre métier, nous sommes surtout concernés par l’impression 3D pour la réalisation de prototypes ou pour des pièces dites « non critiques » dans le secteur de l’aéronautique. Nous fournissons des pièces (non volantes) ou des outillages que nos équipes conçoivent et font fabriquer par des partenaires.

Quelles sont les raisons du retard français en la matière ?

L’impression 3D exige un investissement important. Or, nos grands industriels n’ont pas encore véritablement sauté le pas pour faire appel à des sous-traitants, qui restent encore peu nombreux, afin de créer une réelle dynamique dans ce domaine. Toutefois, dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique ou encore du paramédical, nous constatons chaque jour des progrès ; les grands industriels commencent aujourd’hui à produire leurs propres outillages en impression 3D. Ça va dans le bon sens.

Euro Engineering a récemment publié un livre blanc portant sur l’impression 3D. Quel est l’objectif pour euro engineering, marque du pôle « consulting » du groupe Adecco ?

Notre but, à travers ce livre blanc, n’est pas de donner des leçons mais d’alerter les parties prenantes à propos des perspectives qu’offre aujourd’hui cette technologie. Nous partons de l’idée qu’actuellement, nous n’utilisons pas 100% de ce que permet – et promet – l’impression 3D. Pour l’exploiter au maximum, il faut avant tout revoir la manière de l’utiliser. Ainsi, il est important de revenir sur le métier même de l’ingénieur et de la façon dont il est formé

Euro Engineering - photo 2En quoi le métier et la formation de l’ingénieur doivent-ils évoluer ?

L’impression 3D ne doit plus être considérée comme un simple moyen de réduire les temps de conception ou les coûts de production, mais bien comme la possibilité de créer et produire des pièces innovantes irréalisables par un procédé classique de fabrication. Pour concevoir un produit à partir de la fabrication additive, l’ingénieur devra modifier sa manière de penser, de raisonner et de concevoir, car il ne partira plus de l’existant mais d’une feuille blanche. C’est vers plus de créativité que la formation de l’ingénieur doit évoluer. De plus, l’impression 3D réduit les interventions et le suivi du produit du fait de sa structure monobloc. Il ne s’agit plus d’éléments assemblés et faisant intervenir parfois plusieurs industriels ou services différents, les ingénieurs devront désormais être en mesure de maîtriser la chaîne de fabrication dans sa globalité. Dès la conception du produit, ils devront prendre en compte son utilisation et son évolution dans le temps.


Que doit-on retenir pour réussir son passage à l’impression 3D ?

Avant toute chose, il ne faut pas succomber au phénomène de mode. Il convient, avant de se lancer, de bien définir ses besoins pour les années à venir. La notion d’investissement à moyen et long termes est à privilégier dans la mesure où l’impression 3D ouvre un véritable champ des possibles. C’est la raison pour laquelle les projets actuels sont encore connexes à la production ; les entreprises qui souhaitent évoluer vers l’impression 3D doivent être épaulées pour faire évoluer leur processus de production mais aussi pour repenser la supply chain. La clé réside dans le fait de mener une réflexion globale, portant sur le design du produit, son utilisation, voire sur le projet dans son ensemble, le process et le personnel.

Quels sont les autres grands défis de l’impression 3D ?

Deux grandes questions émergent aujourd’hui. D’une part, la protection des données et les problèmes de contrefaçon ou de piratage de précieux fichiers qui définissent la conception et la production par impression 3D d’une pièce innovante. D’autre part, l’arrivée de la 4D. Il s’agit plus précisément de produits imprimés capables de reprendre leur forme initiale après avoir subi de fortes contraintes de vitesse, de température (ou autres paramètres) et donc des déformations. La 4D est tout particulièrement intéressante pour les pièces critiques et volantes dans l’aéronautique, lesquelles sont confrontées à des environnements sévères.

N° 79 septembre 2016