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Pour ses 150 ans, Boutté est plus que jamais prêt pour l’avenir !

BOUTTÉ

par Equip'Prod

En fêtant son cent-cinquantième anniversaire, la société Boutté nous a ouvert les portes de son centre de production. Bien connue du monde du jardinage et des plombiers, cette entreprise familiale spécialisée dans le décolletage s’illustre aussi dans les pièces industrielles. Un marché qui représente pas moins d’un tiers de son activité et se trouve à la fois conforté par la croissance mais également par un important parc machines et une multitude de moyens de contrôle.

Bouté figure parmi les plus anciennes entreprises françaises de décolletage

Précision et grande série sont au cœur des problématiques d’usinage

Située entre la Bresle et la célèbre Baie de Somme, la petite ville de Friville-Escarbotin peut se targuer d’abriter l’une des plus anciennes entreprises françaises de décolletage. Au total, cette société âgée de 150 ans spécialisée dans la production de pièces pour l’industrie et la distribution (Boutté est connu pour ses produits dédiés à l’arrosage et la plomberie) se compose de deux sites de production. D’une superficie de 7 000 m2, le premier site, historique et le plus important, possède un parc machines particulièrement important. Le second est né du rachat d’un concurrent (qui souhaitait davantage être repris par un acteur local que par un fonds de pension étranger…) est quant à lui spécialisé dans les poupées mobiles ; plus petit, il représente toutefois pas moins de 3 000 m2.

Une machine Duramax de Zeiss permet de contrôler en production des échantillons de dix pièces au micron près

Tous deux produisent des pièces de décolletage, une spécialité qui ne se dément pas dans le Vimeu, partie de l’Hexagone considérée comme la deuxième région française du décolletage et berceau à la fois de la serrurerie et de la robinetterie. D’ailleurs, l’histoire de Boutté parle d’elle-même : créée en 1867 par l’arrière-arrière grand-père de Gilles et Stéphane Buridard, respectivement Pdg et directeur général de l’entreprise familiale, Boutté est passé du métier de fondeur à l’usinage de pièces de décolletage à la fin du XIXe siècle en se spécialisant dans la serrurerie, avant de s’ouvrir vers la robinetterie en travaillant désormais le laiton ; un matériau précieux qui aura fait la richesse de la région et de cette société qui, cependant, n’a pas manqué d’élargir son savoir-faire aux aciers et à l’inox pour répondre à la demande de ses clients.

Au-delà des 150 ans, d’autres chiffres permettent de mieux comprendre l’importance de la société : 140 salariés, 20M€ de chiffre d’affaires (hors filiales commerciales implantées en Russie et en Pologne), 880 tonnes de produits finis par an et 2 500 tonnes de matière usinée ; « Boutté figure également parmi les trois plus gros consommateurs de laiton en France », ajoute fièrement Stéphane Buridard. Enfin, autre chiffre significatif : plus d’un million d’euros est investis depuis quatre ans dans la R&D et l’outil de production, « le décolletage exigeant en effet d’être à la pointe, précise Gilles Buridard, qui a notamment en charge les relations avec la sous-traitance industrielle. Ces trois dernières années, nous avons investi dans cinq tours CN, un ERP, une nouvelle plateforme logistique ou encore des machines de contrôle 3D… ». Il faut dire que depuis 2015, après un passage à vide les deux années précédentes (résultantes de la crise), le marché est bien reparti, tant au niveau de l’industrie (qui représente à elle seul plus de 7,2M€ de chiffre d’affaires) que dans la distribution ; les deux secteurs affichent des taux de croissance réguliers oscillant entre 5 et 6% par an.

Stéphane et Gilles Buridard, respectivement directeur général et Pdg de l’entreprise familiale

Un impressionnant parc machines associant conventionnel et tours CN de dernière génération

En termes de capacités de production, l’entreprise samarienne est plutôt bien lotie. Avec un parc de quatre-vingt-dix machines – essentiellement des tours CN et des tours à poupée mobile (dans le second site) ainsi que d’un nombre encore important de tours conventionnels –, les deux usines de Boutté produisent en grande série des pièces, en particulier les raccords automatiques d’arrosage et des raccords de pompes pour l’arrosage de surface et les réseaux enterrés, sans oublier les pièces dédiées à la récupération d’eau. Le crédo : le haut de gamme. « Le marché est toujours très demandeur de produits haut de gamme ; c’est essentiel pour garder la production en France » ; d’ailleurs, les filiales russe et polonaise de Boutté font figure d’implantations commerciales et de relais pour la distribution.

Décolletage sur tour à commande numérique

Le site principal, qui correspond également au siège du groupe, se compose de deux usines, l’une dédiée au décolletage, l’autre au packaging. La production se répartit en quatre ateliers. Dans l’atelier monobroches sont par exemple fabriqués des raccordements de commandes d’oxygène pour les hôpitaux à partir d’un embarreur Iemca intégré à un tour Index. Mais il n’y a pas que la robinetterie industriel et sanitaire, ni le secteur médical qui sont concernés. Boutté fournit des pièces à de multiples filières industrielles comme les chaudières et le chauffage, la sous-traitance sans oublier l’automobile qui demeure un domaine d’activité encore non négligeable pour l’entreprise ; celle-ci produit par exemple pour un sous-traitant de PSA des pièces qui équipent les filtres à particules. Pas moins d’1,2 millions de pièces sortent chaque année de deux tours multibroches à commande numérique Index MS22, associés à des embarreurs Iemca. Au côtés des machines CN et automatisées jouxte un atelier de machines conventionnelles. Ces tours à came sont certes âgés mais présentent l’avantage, une fois les réglages effectués, de se montrer parfois plus rapides que des tours numériques sur l’usinage de pièces de grande série (jusqu’à 5 000 pièces) ne nécessitant pas de tolérances fines. Des frisquets par exemple sont produits sur ce type de machines.

Les 20 à 40 t. de copeaux de laiton sont transférées vers un fournisseur, retransformées en barres puis réutilisées en production

D’importants moyens de contrôle

Une large part de l’activité est dédiée au contrôle. L’objectif ? Mener à bien la démarche qualité de l’entreprise dans le cadre de la certification ISO 9001 et augmenter sans relâche la satisfaction client. Dans le laboratoire de contrôle, un banc de pré-réglage et un banc de contrôle des outils coupants cohabitent avec un projecteur de profil automatique (et un autre manuel) ainsi qu’un rugosimètre pour contrôler l’état de surface. Le laboratoire est le passage obligé de la totalité de la production des pièces de Boutté. Un logiciel SPC mesure en continu la production et une autre machine de mesure 3D associe vision et palpage pour garantir une vérification totale des pièces. Enfin, en bord de ligne, une machine Duramax de Zeiss acquise en septembre dernier permet de contrôler en production des échantillons de dix pièces au micron près.

Tour CN à poupée mobile Star SW – 12RII – ©Nord-Image

Au total, les moyens de contrôles répartis sur les deux sites de production sont nombreux ; près de 3 900 moyens sont dénombrés ! Outre les MMT, Boutté possède une machine de mesure tridimensionnelle (MMT) avec vision et palpeur Vertex, une machine de mesurage de contour automatisé, une station de contrôle MSP, une machine de mesure instantanée (par vision) automatisée, un duromètre, un mesureur d’épaisseur, une jauge de profondeur et un spectromètre (ces moyens de contrôle étant gérés sur le logiciel Opti Mu, mis au point en partenariat avec le Centre de transfert de technologie de Picardie Maritime, le C2T) ; et c’est sans compter les deux rugosimètres, deux projecteurs de fil et les quelque 1 338 bagues filetées et 970 tampons filetés, 110 bagues lisses ou encore les 876 tampons lisses de contrôle…

Exemple de pièces

Place à l’automatisation

Au niveau de l’assemblage, c’est la technique du thermoformage qui est utilisée ici. Une ligne automatisée qui se charge du process, du rouleau de PVC au produit fini, mis sous coque. La partie « préparation de commandes » en traite pas moins de 150 quotidiennement ; « en d’autres termes, près de trois tonnes de laiton sont expédiées chaque année », précise Stéphane Buridard. Un magasin automatique Cardex a permis à la fois d’améliorer les conditions de travail des salariés en plus d’apporter des gains de productivité et un meilleur taux de service. L’atelier consacré au vrac attire tout particulièrement notre attention : afin d’améliorer la productivité de cette partie consacrée à l’étiquetage des produits, la PME a mis au point un système aujourd’hui breveté constitué d’une agrafe laiton et de fil de pèche ; appelé « Gen-Cod », ce système d’étiquetage a permis de diviser par trois le temps d’opération, lequel est passé de 600 heures à la main contre 200 heures en semi-automatique.

Le site de Boutté présente plusieurs caractéristiques. La première est que celui-ci produit ses propres outils coupants de décolletage dédiés au laiton (les autres matières – acier, inox… – font appel à des produits du commerce). La raison ? Ne jamais être en situation de pénurie d’outils en cas de casse. Un atelier d’outillage mêle ainsi machines de filetage et électro-érosion pour l’affûtage des plaquettes carbure. Autre particularité du site de Friville-Escarbotin : celle de travailler « en transformation ». Derrière cette idée, Stéphane Buridard précise que les vingt à quarante tonnes de copeaux de laiton – qui demeurent propriété de l’entreprise – sont transférées vers un fournisseur qui se charge de transformer la matière en barres puis de les renvoyer à Boutté qui les réutilise en production. Une manière d’appuyer l’idée d’adaptation permanente d’une entreprise qui, malgré ses 150 printemps, sait vivre avec son temps !

N° 96 Février 2018