Un robot unique au monde pour le démantèlement nucléaire

Responsable du démantèlement de ses installations et de la gestion des déchets qui en sont issus, le CEA mène à ce jour  le démantèlement de vingt-deux installations nucléaires de natures très variées : réacteurs expérimentaux, laboratoires de chimie, stations de traitement d’effluents et de déchets, pilotes et usine de retraitement… Chaque cas est particulier et couvre des opérations spécifiques, nécessitant des procédés innovants, à l’exemple de Maestro, un robot téléopéré opérationnel depuis début 2016 pour accomplir des missions de démantèlement telles que la mesure, la découpe et la décontamination…

Onet Technologies a mis au point avec le CEA ce système avancé de démantèlement

Introduit en juin 2015 sur le site du CEA Marcoule (implanté dans le Gard), et opérationnel depuis cette année, Maestro est un robot pionnier unique au monde. Issu de plus de dix années de R&D, cet outil est un véritable procédé industriel téléopéré, spécialement conçu pour la réalisation de travaux de démantèlement en milieux hostiles. ­Co-développé par le CEA et la société marseillaise Cybernetix, il constitue un système complet alliant les capacités et les outils de plusieurs robots et apporte de nouvelles capacités d’intervention. Il s’agit ainsi d’un outil considéré comme « indispensable pour gagner en productivité et en sécurité dans les chantiers de démantèlement les plus hostiles », pour reprendre les mots des deux partenaires.

Spécialement conçu pour le démantèlement dans des environnements de haute radioactivité, Maestro est opérationnel là où les hommes ne peuvent plus intervenir. Le robot a ainsi été durci et pensé pour être décontaminable. Constitué d’un bras de commande (« maître ») et d’un bras « esclave » téléopéré, depuis une salle de commande déportée et éloignée de plusieurs dizaines de mètres, le ­système Maestro résulte d’un procédé modulaire. Celui-ci est en effet composé de plusieurs briques technologiques associant les deux bras (« maître » et « esclave »), un logiciel (TAO 2000) assurant la communication, un superviseur (Magritte) pour le pilotage et un changeur d’outils pour passer facilement d’un outil à l’autre (pince, outils mécaniques, sondes de mesure, outils de découpe…).

Le défi de la découpe laser à l’Usine UP1

En décembre 2015, Maestro est entré en activité dans l’Usine d’extraction du plutonium (UP1) pour y effectuer des découpes laser de cuves de dissolutions dans lesquelles étaient jadis dissous les combustibles usés à retraiter. Ces cuves représentent un défi pour les opérateurs du démantèlement : outre le très fort niveau de radioactivité résiduelle derrière les murs de béton d’environ un mètre d’épaisseur, leurs grandes dimensions et masses, la faible accessibilité, le milieu exigu impliquant un travail en « aveugle » et déporté (à distance), constituent de fortes contraintes auxquelles Maestro répond. Dans le cadre de ce chantier en particulier, la cellule réalise des découpes par laser de structures en acier de forte épaisseur (plusieurs centimètre) ; une première mondiale !

Ce procédé laser a notamment été retenu dans la mesure où il apporte à la fois plus de fiabilité et de productivité tout en présentant des émissions d’aérosols plus faibles que les autres solutions thermiques. Le robot permet également de limiter la production de déchets sous forme de scories (perte de masse des pièces découpées). Cette opération, comme toute la réalisation de ce chantier, a été confiée à la société Onet Technologies. Au total, quatre pilotes de Maestro ont été formés par Onet et le CEA et opèrent depuis une salle appelée MAR 200 pour intervenir sur les deux grands dissolveurs (de 4 mètres de hauteur et 2 mètres de diamètre) d’ici la fin 2018. Notons que les partenaires ont été retenus pour présenter le système Maestro à Fukushima.

Un chantier de découpe mécanique à l’atelier pilote de Marcoule (APM)

Depuis la mi-2015, Maestro est en activité au sein du chantier de démantèlement de l’APM (atelier créé en 1962 pour confirmer, à l’échelle d’un pilote, les procédés de retraitement de combustibles irradiés mis au point dans les laboratoires). Il s’agit ici du premier chantier-pilote « en actif » pour le bras robot. Il est prévu de déposer divers équipements du procédé qui avait servi à la purification et à la clarification de solutions de dissolution du combustible usé : centrifugeuses, pots décanteurs, équipements de filtrations, tuyauteries associées… L’objectif du chantier téléopéré est de démanteler les équipements à forte irradiation (débit de dose de plusieurs gray par heure) afin de permettre, ensuite, les interventions au contact.
Menée par la société Nuvia, la première étape consiste à cartographier la radioactivité du chantier à l’aide d’une gamma caméra et de sondes de mesure fixées au bras de Maestro puis de conduire les opérations de découpe et d’évacuation des déchets. Maestro est installé sur un porteur suspendu par des rails permettant au robot de se mouvoir dans la cellule blindée. À ce jour, il a été déposé et découpé deux centrifugeuses, un Ph-mètre, un filtre pulsé, un pot décanteur et diverses tuyauteries représentant près d’une tonne de déchets qui seront transférés vers le centre de stockage de l’Aube de l’Andra.

N° 78 juin 2016