Une solution de palpage robotisé permet à Airbus Atlantic Composites d’optimiser la production des stringers
La filiale de l’avionneur européen implantée à Salaunes (Gironde) a décidé d’intégrer dans son process complexe de découpe robotisée une solution de palpage Renishaw afin de résoudre des problèmes de positionnement de pièces composites et d’améliorer considérablement ainsi la qualité des opérations. Un projet qui a été le fruit d’une collaboration efficace rassemblant Airbus Atlantic Composites, Renishaw et deux intégrateurs : Techni-Modul Engineering (TME) pour la cellule robotique et 3IDM pour la partie logicielle à travers RobotMaster.
Le site de Salaunes et ses quelque 40 000 m² abrite de nombreux moyens industriels dédiés à la fabrication de pièces composites pour l’aéronautique, notamment des machines de drapage, des machines à découper (dont une à ultrasons), des systèmes de projection laser d’aide au drapage, des autoclaves, des étuves, des centres d’usinage et autres machines automatisées.
En matière d’automatisation cette fois, une douzaine de robots peuplent les différents ateliers. L’un d’entre eux – de marque Kuka – est chargé d’assurer la découpe de tissu cru. Cette opération de découpe doit donc s’effectuer à l’aide d’un couteau mécanique et dans des précisions avoisinant les 3 dixièmes. Le robot doit découper la pièce de forme gauche par rapport à une géométrie initiale et complexe dans la mesure où celle-ci doit être parfaitement positionnée dans l’étape de fabrication suivante pour qu’à la suite du process n’apparaisse aucun défaut géométrique.
Il est donc indispensable d’assurer un bon réglage et un dégauchissage de la pièce tout en évitant les problèmes récurrents d’écarts, de positionnement du robot et de la pièce... « cette opération crée rapidement une usine à gaz », indique Eddy Coubard, aujourd’hui responsable maintenance industrielle chez Airbus Atlantic sur le site de Méaulte, qui était alors ingénieur processus lors de la mise en œuvre de ce projet chez Airbus Atlantic Composites à Salaunes.
Ce projet a démarré il y a environ trois ans car il était devenu nécessaire de dégauchir des outillages afin de caler le robot sur la table par rapport à sa bonne trajectoire. Or, l’environnement industriel et la robustesse du process ne permettent pas d’atteindre ce niveau de calage espéré… d’autant qu’il est nécessaire de travailler sur une quarantaine de références différentes, d’où le besoin d’automatiser le process afin de gagner du temps mais aussi de pouvoir programmer en mode off-line.
À la recherche d’une solution de palpage avant tout automatisée
Travaillant régulièrement avec Techni-Modul Engineering (TME, implanté au sud de Clermont-Ferrand), Airbus Atlantic Composites a fait appel à cet intégrateur d’une quarantaine de salariés afin de réaliser la ligne de production, intégrant la cellule robotisée de découpe. Face à ce problème de calage de la pièce et des risques d’erreurs pouvant être engendrées par le défaut de positionnement de la table, la filiale d’Airbus et TME, habitué à imaginer des lignes de production ex nihilo, se sont orientés vers une solution de Renishaw, spécialiste mondial du palpage, déjà bien connu par l’intégrateur dans le domaine de la machine-outil : « nous venons tous du métier de l’usinage et utilisons déjà beaucoup les palpeurs Renishaw, précise Stéphane Besson, directeur général de TME. Dans ce cas précis, le projet consistait à développer le même type d’instruments, mais cette fois pour de la découpe 3D de pré-forme composite ».
Après s’être rendu au bureau d’études de Renishaw implanté à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne), les deux partenaires ont pu découvrir les performances de son outil de palpage capable de définir dans l’espace le positionnement de l’outillage. Plus précisément, il s’agit de la gamme RCS P-Series, une solution de palpage robotique visant à répondre aux exigences d’Airbus Atlantic Composites de disposer d’un système 100 % automatisé. « Testée au sein de notre bureau d’études – spécialisé dans la robotique depuis plusieurs années –, cette solution présente l’avantage de pouvoir monter un palpeur sur un robot tout en solutionnant les difficultés d’étalonnage, d’optimisation et de calcul de repères pouvant survenir habituellement lors de ce type d’opération… tout cela pour tirer le meilleur de ce qu’est capable de faire un robot et donc d’améliorer les qualités de découpe, énumère Bruno Scher, ingénieur d’applications chez Renishaw France. La résolution de ces différents problèmes, c’est le métier de Renishaw, ce qui permet au client de ne se focaliser que sur son cœur de métier. ».
Cette solution se présente comme une « sorte de boîte à outils contenant une centaine de macro-robots et une incroyable puissance de calcul, poursuit Bruno Scher. Il est possible de mesurer autant de points que l’on souhaite pour calculer et mettre à jour automatiquement des repères outils ou pièces. » Une grande simplicité d’utilisation pour une entière liberté pour l’intégrateur, lequel peut dès lors jouer pleinement son rôle de monter la cellule robotique adaptée aux besoins de son client, sans pour autant devoir acquérir des connaissances particulières en métrologie ou en palpage.
Des résultats concluants, tant sur la partie positionnement de l’outillage que sur la lame de découpe
Pour la mise en œuvre de la solution de palpage Renishaw sur une cellule robotique particulièrement complexe, il était indispensable de faire également appel à une quatrième société. Il s’agit de 3IDM, un spécialiste depuis plus de vingt ans dans l’intégration logicielle et positionné sur le marché de la robotique depuis une quinzaine d’années avec le logiciel RobotMaster. 3IDM était ainsi chargé de faire évoluer le post-processeur associé au logiciel RobotMaster.
L’entreprise originaire de Chartres s’est surtout renforcée depuis trois ans dans des projets de plus en plus complexes, allant de l’aérospatial et de la défense à l’agroalimentaire en passant par le médical. « Notre principale valeur ajoutée réside dans notre capacité d’intégrer n’importe quel process client dans des solutions logicielles de toutes marques, telles que des opérations de polissage, de revêtement de peinture, de sablage ou de traitement de matériaux dangereux comme le plasma mais aussi, par exemple, sur des applications de contrôle non destructif (CND), précise Fabien Dérouault, chargé d’affaires spécialisé dans l’intégration robotique chez 3IDM. Et de préciser : « Dans le cas d’Airbus Atlantic Composites, notre logiciel permet une programmation rapide et simple particulièrement intéressante lors de la programmation séries pièce, avec de nombreux changements de programmes et de références pièces; Robotmaster permet de créer des trajectoires robot en évitant les collisions, les singularités, les limites de joint... bref, toutes les erreurs robotiques rencontrées lors de la programmation manuelle ou avec d’autre logiciels moins évolués. »
L’intégrateur de solutions logicielles, qui collabore depuis plus de quinze ans avec la filiale d’Airbus, a donc travaillé sur les deux projets : la découpe de carbone robotisée et la mise en œuvre de la solution, permettant le positionnement de l’outillage et la mise en place du palpeur chargé de relocaliser la pièce ; « notre rôle était d’intégrer les macros de Renishaw avec les modes de calcul. Pour cela, nous avons travaillé sur les données d’entrée, ce qui a permis une meilleure fiabilité du process, une réduction du nombre de non-conformités et moins de retouches sur le produit ». Tout ce travail d’intégration s’est déroulé sur le logiciel RobotMaster, déjà en place chez l’industriel aéronautique pour la trajectoire de découpe en raison, notamment, de la simplicité de la mise à jour des post-processeurs.
Un partenariat à part entière et des résultats au-delà des attentes
Dans la mise en œuvre du projet, les responsables des quatre entités (Eddy Coubard, Stéphane Besson, Fabien Dérouault et Bruno Scher) sont parvenus à se rencontrer régulièrement et à échanger rapidement pour mener à bien un projet pourtant complexe. « Travailler à plusieurs a toujours été notre quotidien », rappelle le directeur général de TME. « Dans ce projet, malgré le fait qu’il fallait réunir tout le monde selon les contraintes de chacun, chaque réunion s’est révélée efficace, se remémore Eddy Coubard. Chacun était déjà bien préparé et a pu envisager tous les problèmes, si bien qu’en moins d’une semaine, nous avons créé les post-processeurs de l’intégration et réalisé nos premiers essais durant la période de fermeture périodique du site – des essais que Renishaw avait préalablement effectués au sein de son bureau d’études de Marne-la-Vallée. Tout s’est admirablement bien déroulé car j’avais en face de très bons professionnels ». Au niveau du soft, Renishaw avait déjà développé tous les algorithmes nécessaires et 3IDM mis en œuvre le logiciel RobotMaster pour que tout s’intègre parfaitement à la cellule robotique.
Quant aux résultats, ils ont été au-delà des attentes de l’ingénieur process d’Airbus Atlantic Composites. « Le niveau de précision géométrique a pleinement été atteint, témoigne Eddy Coubard. Mais ce qui n’était pas prévu, c’est qu’en plus nous avons été en mesure d’améliorer la qualité de la découpe elle-même dans la mesure où la position de la lame a, elle aussi, été optimisée. Or, cela était inattendu ».
Désormais, l’utilisation du système de palpage s’effectue le plus simplement possible dès la mise en position de l’outillage dans le programme de découpe : cela démarre par le dégauchissage de l’outillage, lequel passe par le palpage de la surface gauche puis le dégauchissage du parcours d’outillage via le recalage de la base locale. « Les gains en qualité de découpe sont évidents, mais aussi sur l’optimisation des flux de pièces produites grâce à la quasi suppression de la non qualité. Pour les étapes à venir, nous avons prévu de mettre en place un réglage automatique du TCP [le point central de l’outil du robot – ndlr] ; un projet en cours sera fonctionnel cette année afin de mieux optimiser la précision du robot ». Surtout, cette solution de palpage off-line va pouvoir être dupliquée dans d’autres points de l’usine, en fonction des besoins d’Airbus Atlantic Composites. L’avantage aussi d’une solution standard pouvant ensuite s’intégrer dans des cellules robotiques plus ou moins complexes.
Olivier Guillon
EQUIP PROD – N°157 Février-Mars 2025